Lors de l’Assemblée Citoyenne du 13 Avril je suis intervenue pour dire:
Nous avons pensé les Assemblées Citoyennes au Front de Gauche et
notamment au sein de notre collectif comme devant se pérenniser au-delà des
échéances électorales. Aujourd’hui, la question se repose avec force. Pourquoi?
– d’une part parce que ces assemblées représentent des forces vives,
motivées, mobilisées, qui ont entrepris de réfléchir collectivement et
démocratiquement sur un projet de société et parce que cette construction est
loin d’être achevée (si elle doit l’être un jour!)
– d’autre part parce que la dynamique de cette campagne, forte des aspirations
qui s’y sont exprimées, est un tremplin pour aller plus loin, sachant que la
situation politique exige un engagement durable dans des pratiques
d’intervention citoyennes à tous les niveaux de la vie politique, du local au
national. C’est cela, la révolution citoyenne.
Dans cet objectif la proposition devrait être faite aux Assemblées Citoyennes
d’intégrer le Front de Gauche, d’en être une composante, au même titre que
des partis et organisations politiques.
Ce serait donner à ces Assemblées Citoyennes une visibilité, un poids, une
reconnaissance officielle qui leur permettraient d’intervenir directement dans le
débat politique, de l’échelon communal à l’échelon national, de mener des
actions et des batailles, également du local au global.
Cette suggestion s’est vue aussitôt « opposer » trois types d’objection:
– de quelle légitimité durable les Assemblées Citoyennes peuvent-elles se
réclamer par rapport à celle des partis et organisations?
– des Assemblées Citoyennes déconnectées du Front de Gauche garantissent
leur ouverture à toute personne, quelle que soit sa « sensibilité politique », en
vue de débats d’idées s’élargissant à des publics qui ne partagent pas
spontanément nos idées, et d’actions sur le plan local.
– une représentation des Assemblées Citoyennes au Front de Gauche
nécessiterait de rompre en partie avec une expression citoyenne directe,
rétablirait ce que l’on connait dans les partis de pratiques délégataires et de
verticalité dans l’organisation.
Ces objections, pertinentes, m’amènent à préciser ma pensée, tout en
convenant que ma proposition n’est pas recevable, là où nous en sommes et
telle qu’elle est présentée.
Les Assemblées Citoyennes, réparties dans l’hexagone, sont un lieu où se
rencontrent des militants de partis, mouvements et organisations (qui sont
d’ailleurs à l’origine de ces assemblées) et des citoyens (au sens large, c’est à
dire d’habitants d’un territoire) qui ne sont pas « encartés ». Elles réunissent
donc des personnes aux parcours très divers, d’expériences et d’âge différents.
Si, vraisemblablement, un sentiment commun d’insatisfaction profonde sur le
plan social et politique les habite, cela ne préjuge pas de la forme des
changements à opérer, de la portée critique des réflexions conduites et de
leurs répercussions car c’est d’une construction commune, d’un processus
alliant diversité et recherche d’accord, que viendront les « solutions » retenues.
Pour le dire autrement, et bien qu’on ait pu penser au départ que viendraient
là, presque exclusivement, des gens qui connaissent et partagent les
orientations du Front de Gauche, ce n’est pas tout à fait le cas et
l’aboutissement de cette initiative de rassemblement n’est pas fixé. Ce qui
nous indique que c’est la démarche qui réunit et agrège et non un but préétabli.
C’est cette configuration, relativement nouvelle qui, me semble-t-il, confère
une légitimité à des rassemblements qui s’efforcent de penser le changement à
partir d’une pluralité de parcours et de leur expérience, ici et maintenant,
d’élaborer un projet de « vivre ensemble »; ce qui est déjà en soi une
préfiguration de la conquête, si ce n’est du pouvoir global, d’une puissance sur
sa vie par la réappropriation socialisée d’un espace commun, en vue de
l’intérêt général. Voilà déjà une belle démonstration de « faire de la politique
autrement » ou autrement dit d’une démocratie en acte (et en marche)!
C’est, à mon avis, une occasion à ne pas rater, ce qui explique ma hâte à voir
dotées les Assemblées Citoyennes de réels pouvoirs de peser sur des décisions
politiques, d’une part au sein du Front de Gauche qui les a initiées, d’autre part
dans le champ institutionnel, de la commune à l’échelon national.
C’est aussi, sans doute, ce que m’ont inspiré les propos de Jean-Luc Mélenchon
relatif au mouvement populaire déclenché par la campagne du Front de
Gauche: « Un fantastique parti politique se constitue, sans murs, sans carte,
sans consigne » , ce qui représente, dans cette acception, une vraie rupture,
fondatrice, dans l’appréhension du fait politique devenant bien commun, à la
portée de tous. Un véritable renouveau, qui légitime l’intelligence collective,
souveraine, dans la conduite de son destin.
Il y a encore beaucoup à dire et je ne doute pas de notre réflexion collective
pour répondre aux questions posées par le devenir de nos assemblées et le
concrétiser, en un « agir-pensé » selon la formule d’un militant du Front de
Gauche.
Longue vie à notre assemblée et aux autres, levain de « l’insurrection
citoyenne » et parmi les plus beaux bourgeons de ce printemps! (un peu de
lyrisme ne nuit pas!)
Merci de votre attention et à tout bientôt,
Florence Dalzon
le 18 avril 2012
PS: trouvé une belle définition, par Hannah ARENDT du « lieu du politique »,
c’est, disait-elle, « l’espace entre les sujets ».
(relevé dans le journal L’Humanité du mardi 17 avril 2012)