Intervention de Jean-Claude Bernard, candidat du Front de Gauche aux législatives, lors de la manifestation anti-MES de Chambéry le 21/02/2012
A l’occasion du vote par l’assemblée nationale le mardi 21 février, les militants du Front de Gauche du bassin chambérien se sont mobilisés pour dénoncer le coup d’état que constitue la ratification par le parlement du MES dans le silence assourdissant et scandaleux des grands médias. Alors que ces projets devraient être au cœur des débats dans toute la presse, alors qu’on va au-delà de tout ce qu’on a connu jusqu’ici, au niveau européen, en matière d’abandon de souveraineté, de recul démocratique et d’opacité.
Deux projets de loi sont soumis au vote en procédure d’urgence : le projet de loi de modification du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) et le projet de loi ratifiant le traité instituant le MES.
Le MES : de quoi s’agit-il ? ce n’est ni plus ni moins qu’un FMI européen : Le texte définitif du traité instituant ce mécanisme a été adopté par les représentants des Etats membres de la zone euro le 2 février 2012. Il est destiné à prendre, à partir de juin 2013, la suite des instruments créés en 2010 pour faire face à la crise de la dette.
Ce MES et le Pacte budgétaire (appelé également Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire (TSCG) ou traité Merkel-Sarkozy qui doit être signé début mars avant ratification par les différents états signataires) sont complémentaires : à partir du 1 mars 2013, pour avoir accès aux aides du MES, un Etat devra avoir accepté toutes les dispositions sur l’austérité budgétaire contenues dans le TSCG.
Le MES, dont le siège est fixé à Luxembourg, est doté du statut d’une institution financière internationale bénéficiant des immunités dont jouissent les institutions internationales. Il n’a donc aucun compte à rendre ni au Parlement européen, ni aux parlements nationaux, ni aux citoyens des Etats membres et ne peut faire l’objet de poursuites. Par contre, doté de la personnalité juridique, le MES pourra ester en justice. Locaux et archives du MES sont inviolables. Il est exempté de toute obligation imposée par la législation d’un Etat Membre. Le MES, ses biens, fonds et avoirs jouissent de l’immunité de toute forme de procédure judiciaire.
Les membres du MES sont les Etats de la zone euro. L’institution est dirigée par un collège composé des ministres des finances des Etats membres appelés pour la circonstance « gouverneurs ». Le secret professionnel est imposé à toute personne travaillant ou ayant travaillé pour le MES. Toutes les personnes y exerçant une activité bénéficient de l’inviolabilité de leurs papiers et documents officiels et ne peuvent faire l’objet de poursuites en raison des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.
Le but du MES est de « mobiliser des ressources financières et de fournir, sous une stricte conditionnalité, » un soutien à la stabilité d’un de ses Etats membres qui connaît des graves difficultés financières susceptibles de menacer la stabilité financière de la zone euro. A cette fin, il est autorisé à lever des fonds. Son capital est fixé à 700 Milliards d’euros. La contribution de chaque Etat a été déterminée de la manière suivante : Les deux plus gros « actionnaires » sont l’Allemagne (à 27 %) et la France (20,5 %, soit 147.2 milliards), suivis par l’Italie (18 %), l’Espagne (12 %) puis les Pays-Bas (5,5 %). Les 12 autres actionnaires possèdent entre 3,5 % (Belgique) et 0,07 % (Malte) du capital.
Les Etats Membres, par ce traité, s’engagent « de manière irrévocable et inconditionnelle » à fournir leur contribution au capital du MES. Ils s’engagent à verser les fonds demandés par le MES dans les 7 jours suivant la réception de la demande.
Le MES peut décider de revoir les contributions de chaque Etat membre. Cette décision s’imposera automatiquement.
On s’en rend compte, les gouvernements signataires de ce traité ont créé un monstre institutionnel contre lequel les Etats eux–mêmes et à fortiori les peuples seront désormais totalement impuissants. Ainsi se poursuit, sous la pression du monde de la finance et des affaires, le démembrement du siège de la souveraineté populaire, l’Etat, au profit d’institutions échappant à tout contrôle.
La procédure est pourtant illégale puisque la création du MES exige une modification de l’article 136 du TFUE. Cette modification est possible si on recourt à la procédure simplifiée. Or, cet article stipule, en son §6, alinéa 3, qu’une décision prise sous le régime de la procédure simplifiée « ne peut pas accroître les compétences attribuées à l’Union dans les traités ». Or, le projet de loi soumis à l’Assemblée nationale vise à permettre une extension des compétences de l’Union européenne en toute illégalité.
Le transfert, en toute illégalité, à des autorités européennes et internationales qui ne sont soumises à aucun contrôle démocratique de pouvoirs qui relèvent pas nature de la souveraineté populaire, s’apparente à un véritable coup d’Etat.
Les gouvernants qui sont à la manœuvre manifestent leur plus total mépris du respect des exigences démocratiques. Par des artifices de procédure, en interprétant abusivement des règles dont ils se moquent, ils se font les complices d’une entreprise de démantèlement de la démocratie et d’effacement d’un acquis fondamental dans l’histoire de l’humanité : la souveraineté du peuple.
Ces deux traités sont démocraticides
Avec le MES et le Pacte budgétaire (TSCG), les peuples qui ont déjà été dépossédés des choix en matière monétaire du fait de la manière dont est géré l’euro (en particulier, le statut et les missions de la BCE), seront désormais dépossédés de tout pouvoir en matière budgétaire.
Rappelons que la démocratie est née progressivement du droit réclamé par les peuples de contrôler les dépenses des gouvernants. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, adoptée le 26 août 1789, en son article XIV, proclame que « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »
C’est ce droit fondamental qui leur est aujourd’hui enlevé. En violation d’une disposition inscrite dans la Constitution de la République : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 (…). »
Ceux qui approuveront les deux projets de loi soumis le 21 février approuveront le Pacte budgétaire (TSCG) puisqu’ils sont étroitement liés. Les promesses de renégociation de ce dernier perdent leur peu de crédibilité si leurs auteurs approuvent le MES.
Ces deux traités MES et TSCG confirment que la construction européenne s’est définitivement éloignée de l’idéal démocratique.
Ces deux traités sont, contrairement à ce qu’affirme Hollande, étroitement liés. Ils alimentent l’un et l’autre, transfert de pouvoir et perte de souveraineté, rendant possible une totale mise sous tutelle financière et budgétaire des Etats et des peuples.
La France est la première à engager la procédure de ratification du MES. En France, à ce jour, seul, Jean-Luc Mélenchon au nom du Front de Gauche s’est prononcé clairement contre le MES et a appelé les parlementaires à ne pas voter les textes.
Antidémocratique, jouant le jeu des marchés et de la spéculation financière, portant en germes la destruction du modèle social européen, le « Mécanisme européen de stabilité » trahit définitivement l’idéal sur lequel s’est bâtie l’Union. Les prêts accordés sous la pression de marchés dérégulés ne serviront donc plus à construire ou solidifier socialement et économiquement un pays, mais à détruire tout ce qui a été accompli.
Jamais le besoin d’une alternative n’a été aussi manifeste. Lorsque la gauche portée par le FDG sera au pouvoir, l’exécutif devra lancer des états généraux de l’UE, pour qu’une autre Europe, au service des peuples, soit possible.
Dès à présent, le FDG demande l’organisation d’un référendum sur le nouveau traité. Comme en 2005, c’est au peuple français de se prononcer directement.