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Mar 02

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Ecole, les faux-semblants de François Hollande

On connaît désormais un peu mieux les projets de François Hollande pour l’enseignement et la recherche. Force est de constater qu’ils ne sont pas à la mesure des difficultés et des attaques que subit le service public. Certes, la volonté exprimée par le candidat du Parti socialiste d’inverser la politique éducative en matière d’emploi va dans le bon sens. Et ses intentions pour l’enseignement maternel et élémentaire ou pour la formation méritent attention. Mais l’absence de prise en compte des transformations qu’a connues le service public laisse pantois : rien sur la mise en concurrence des établissements, rien non plus sur la désectorisation, toujours rien sur la transformation managériale des fonctions de responsable d’établissement ! C’est ainsi toute l’offensive du néolibéralisme sur le terrain scolaire qui est purement et simplement ignorée, alors même que l’on sait aujourd’hui à quel point ce type de politique ne fait qu’aggraver les inégalités et tirer vers le bas l’efficacité d’ensemble du système.

Pire : de nombreux éléments attestent d’une volonté de poursuivre voire, à certains égards, d’aggraver cette politique. Ainsi, dans l’enseignement supérieur, non seulement il n’est nullement question d’abroger la loi libertés et responsabilités des universités, mais il faudrait accélérer la «mise en œuvre des investissements d’avenir». Les gels de postes et l’arbitraire des répartitions de crédits pourront ainsi se poursuivre sans encombre.

Dans les enseignements primaires et secondaires, il n’est pas envisagé de compenser les inégalités entre collectivités territoriales et un «nouvel acte de la décentralisation» pourrait bien s’appliquer. La récente réforme des lycées n’est pas remise en cause alors qu’elle affaiblit les différentes séries, met en péril la voie technologique et installe une organisation locale des enseignements. Le «socle commun de connaissances et de compétences» est conforté, en lieu et place des programmes nationaux. L’école à plusieurs vitesses pourra ainsi s’installer toujours plus au cœur même des processus d’apprentissage. Loin de reconnaître à l’école sa visée émancipatrice, ce projet institutionnalise la fracture sociale de la jeunesse, avec ses établissements fermés pour les fauteurs de troubles et le service civil pour les déscolarisés.

C’est comme si les grandes mobilisations des jeunes, des parents et des personnels n’avaient pas existé, de 2003 à 2011, contre la loi de décentralisation, contre la loi d’orientation, les réformes universitaires ou la réforme du lycée.

Cette incompréhension manifeste à l’égard de tous ceux qui défendent la cause du service public s’exprime aussi dans l’absence de propositions concrètes pour améliorer le fonctionnement démocratique et le rayonnement de l’école laïque. On ne trouve rien, par exemple, sur le statut de parent délégué, qui permettrait une participation plus active et socialement plus diversifiée des parents d’élèves. La place des associations complémentaires de l’école est également passée sous silence, alors qu’elles ont un rôle majeur à jouer pour reconquérir le terrain occupé par toute une série d’officines. La question de la gratuité n’est pas abordée.

Enfin, la mesure phare du programme de François Hollande, les «60 000 postes», apparaît bien insuffisante pour atteindre l’ensemble des objectifs fixés. Rappelons que c’est plus de 70 000 postes de différentes catégories de personnels qui ont été supprimés de 2008 à 2012 et que le petit baby-boom des années 2000 entraînera mécaniquement une augmentation des effectifs de l’ensemble des niveaux d’enseignement. En réalité, le projet de François Hollande prétend réaliser l’impossible en matière d’emploi public : répondre un tant soit peu aux besoins sociaux tout en respectant la politique d’austérité de l’Union européenne. Le redéploiement des postes de fonctionnaires devient alors la seule variable d’ajustement possible, selon le trop fameux principe du «déshabiller Pierre pour habiller Paul».

Il n’y a ainsi guère d’autre cohérence au projet de François Hollande que celle consistant à s’ajuster le moins mal possible aux prescriptions éducatives et économiques du néolibéralisme. L’urgence de la situation scolaire est pour le moins ignorée et l’ambition pour le service public fait singulièrement défaut.

Par GÉRARD ASCHIERI Syndicaliste, BERTRAND GEAY Sociologue, CHOUKRI BEN AYED Sociologue, CHRISTINE PASSERIEUX Militante pédagogique. Les auteurs sont tous membres du conseil de campagne du Front de gauche.

Tribune publiée dans Libération du 29 février 2012

 

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